La forêt, paysage de sculptures (extraits)

LA FORET, PAYSAGE DE SCULPTURES


J’ai toujours détesté les balades en forêt.
Plus jeune, c’était le parcours obligé, dominical et familial, où le petit cercle tentait de légitimer les excès du repas de midi dans un ennui convenu ou plus récemment lorsqu’une manœuvre de séduction se transformait en tentative de rapprochement néo-bucolique avec la nature qui ne demandait, déjà, plus à être approchée. En outre, je n’ai aucun sens de l’orientation, c’est pathologique et très angoissant.
Donc, l’idée d’errer dans un espace, où tout est pareil mais jamais pareil, où le point de repère cède la place au point de repère de manière qu’il n’y ait plus de repères, est pour moi un traumatisme.
Pourtant, comme un grand malade qui cherche à se soigner, j’ai dû, à l’occasion de ce travail photographique sur la forêt, faire un effort de réinsertion (la mienne) dans cet environnement « hostile ». La querelle était ancienne, les protagonistes campés sur leurs positions. La médiation ne s’est faite qu’en regardant autrement, en dépassant les préjugés, en adoptant un autre point de vue.
Comment ?
En envisageant la forêt où je me trouvais comme un musée ou une galerie, parcourus de visiteurs (enfin, je devais souvent être là aux heures creuses) et habités par des œuvres.
Ainsi, sans trop quitter l’allée centrale de ces lieux de culture (je suis incurable pour l’orientation), j’ai eu le bonheur de découvrir des œuvres véritables, sculptures, bas-reliefs ou installations offertes par Dame Nature.
La forêt est devenue un paysage de sculptures et j’ai, par exemple, arpenté l’immense forêt domaniale du Bougès, dans les Cévennes, plus fiévreusement que le Louvre.

Bernard Drouillet, septembre 2011.